J’ai vécu 4 mois au Liban, alors en repérage pour le film Youth Visions.
Vous trouverez d’innombrables articles sur ce pays qui passionnent autant les amoureux de géopolitique que les jeunes cinéastes. Loin des analyses économiques, politiques, démographiques, qui pointent du doigt cette situation impossible, je prendrai le parti de vous parler du Liban à travers des tranches de vie de ses habitants. Des portraits d’individus qui ont comme points communs leur jeunesse et l’impossibilité de fuir. De jeunes femmes et hommes à la recherche d’ancrages dans un pays à la dérive.
Ce que je dis dans cet article n’engage que moi et le Liban ne se décrit pas avec exhaustivité à travers quelques rencontres et amitiés naissantes. Il y a des demi vérités, des faits incomplets, peut-être aussi un peu de fiction. Le risque serait de blesser par mon indélicatesse – à travers des tranches de vies parfois tristes et parfois joyeuses – des femmes et des hommes qui vivent dans ce contexte impossible. Et je m’en rends à la nuance et l’intelligence du lecteur pour m’aider à saisir avec justesse ces quelques lignes.
La playlist spotify à écouter en lisant l’article : Liban
I spent 2 months in Lebanon, scouting for the film Youth Visions.
You’ll find countless articles on this country, which fascinates lovers of geopolitics and young filmmakers alike. Far from the economic, political and demographic analyses that point the finger at this impossible situation, I’m going to tell you about Lebanon through slices of the lives of its inhabitants. Portraits of individuals who share two main things : beings young and caged in their country. Young men and women in search of anchorage in a country adrift.
What I say in this article is my personal opinion, and Lebanon cannot be described exhaustively through a few encounters and new friendships. There are half-truths, incomplete facts and perhaps also a little fiction. My indelicacy would run the risk of damaging the decency of the men and women who survive in this impossible context – through slices of life that are sometimes sad and sometimes joyful. And I rely on the reader’s nuance and intelligence to help me capture these few lines accurately.
Spotify playlist to listen to while reading the article: Lebanon
Portraits de jeunes libanais (3/3) : Eli, un toit pour sa mère et ses sœurs.
Portraits of young Lebanese (3/3): Eli, a home for his mother and sisters.
Parfois, quand on ouvre les yeux encore tôt le matin, on a le sentiment que la journée sera longue.
Mars 2023, Beyrouth nous offre une matinée ensoleillée. Avec Mathilde, responsable de la communication de notre film Youth Visions, nous décidons de travailler à la bibliothèque municipale de Geitawi. Elle s’étend le long du jardin jésuite, ce qui en fait un endroit particulièrement agréable et lumineux pour affiner mon budget prévisionnel. Alors que nous franchissons le portail écaillé de l’espace vert, le gardien nous barre la route : notre éden est fermé.
Sometimes, when you open your eyes early in the morning, you get the feeling that it’s going to be a long day.
March 2023, Beirut offers us a sunny morning. With Mathilde, in charge of communications for our film Youth Visions, we decide to work at the Geitawi municipal library. It stretches along the Jesuit garden, making it a particularly pleasant and bright place to fine-tune my budget. As we pass through the chipped gate of the green space, the guard blocks our way: our Eden is closed.
Mathilde est un être de lumière. Elle fait partie de ceux qui décident que la vie est plus agréable dans la joie et s’y tiennent. Là où le commun des mortels aurait pu bougonner, manifester un quelconque mécontentement – ce que je n’ai pas manqué de faire – elle me propose d’en profiter pour aller manger une crêpe. Le pain libanais – pain pita – est souvent cuit sur un poêle en forme de demi-sphère. On peut le marier avec du fromage et du zaatar : le Man’ouché. Nous découvrons une boulangerie où l’on peut déguster sa pita avec du Nutella, ce qui fait figure d’originalité.
Mathilde is a being of light. She’s one of those people who decide that life is more pleasant when it’s joyful, and stick to it. Where the average person might have grumbled and expressed discontent – which I certainly did – she suggested that I take the opportunity to have a crêpe. Lebanese bread – pita bread – is often baked on a stove in the shape of a half-sphere. It can be served with cheese and zaatar: Man’ouché. We discover a bakery where you can enjoy your pita with Nutella, which is quite original.
Ce matin Gwen, notre chef opérateur, est à Lyon pour finaliser l’achat d’une caméra pour le tournage qui débute dans une semaine. Il rencontre le bras droit d’un producteur en vacances, propriétaire de ladite machine. C’est moi qui doit valider le transfert bancaire auprès de Pierre, notre trésorier à Paris. Quatre intermédiaires, dans quatre lieux différents, doivent donc s’aligner pour procéder au virement de l’argent.
This morning Gwen, our director of photography, is in Lyon to finalize the purchase of a camera for the shoot which starts in a week’s time. He’s meeting the right-hand man of a producer on vacation, who owns the camera. It’s up to me to validate the bank transfer with Pierre, our treasurer in Paris. Four intermediaries, in four different locations, had to line up to transfer the money.
Après avoir récupéré nos crêpes, nous partons en quête d’un lieu idéal pour travailler. Sur la route, un garçon nous accoste. Dans ses yeux un mélange de peur et de détresse. Il nous demande de l’aide dans un anglais approximatif. Il tient un papier avec un numéro de téléphone. Mathilde lui tend son portable et le jeune inconnu compose un numéro une fois, deux fois, trois fois mais personne ne répond. Nous essayons de comprendre ce qu’il cherche. Il s’appelle Eli, a 15 ans et doit appeler un ami de sa mère, avocat, pour récupérer de l’argent. Pas facile d’en comprendre beaucoup plus. Mon téléphone sonne.
Gwen m’appelle pour me dire que la caméra est en bon état à un prix raisonnable, on peut procéder au virement. J’envoie un SMS à Pierre.
Having collected our crêpes, we set off in search of an ideal place to work. On the road, a young man accosts us. In his eyes, a mixture of fear and distress. He asks us for help in broken English. He’s holding a piece of paper with a telephone number. Mathilde hands him her mobile and our young stranger dials the number once, twice, three times, but no one answers. We try to figure out what he’s looking for. His name is Eli, he’s 15 and he needs to call a friend of his mother’s, a lawyer, to get some money. Not easy to understand much more. My phone rings.
Gwen calls to tell me that the camera is in good condition at a reasonable price, so we can proceed with the transfer. I text Pierre.
Eli semble fatigué, au bord des larmes. Il tient fermement le numéro de téléphone dans sa main, comme la garantie d’une solution à tous ses problèmes. Nous comprenons qu’un ami de sa mère lui a donné rendez-vous ici, il y a 3 jours, et qu’il attend depuis. Mathilde lui propose d’envoyer un SMS et j’interpelle des passants pour qu’ils jouent les traducteurs.
Pierre me dit OK, mais qu’il ne peut pas faire de virement instantané. Il peut cependant m’envoyer une garantie de transfert. Je transmets à Gwen.
Eli looks tired, close to tears. He holds the telephone number tightly in his hand, like a guarantee of a solution to all his problems.. We understand that his mother’s friend gave him an appointment here 3 days ago, and that he’s been waiting ever since. Mathilde suggests he send a text message, and I ask some passers-by to act as translators.
Pierre says OK, but that he can’t make an instant transfer. He can, however, send me a transfer guarantee. I forward it to Gwen.
Une étudiante Libanaise s’arrête et nous explique que Eli doit récupérer l’argent de l’avocat pour payer son loyer. Il vit dans une ville voisine avec sa mère et ses deux sœurs. Leur père est mort lors de l’explosion du port. Leur maison a été détruite et ils n’ont jamais été indemnisés. Il manque 150$ pour payer le loyer de leur nouvel appartement. Ce n’est pas la première fois, s’ils ne paient pas, le propriétaire les mettra à la rue. La maman de Eli commencera un nouveau travail dans deux semaines mais cette garantie ne suffit plus. Eli ne peut pas rentrer chez lui sans argent. Cela fait 3 jours qu’il dort dans la rue.
Gwen m’explique que le patron de l’entreprise de production veut un virement instantané. Je fais part de la situation à Pierre.
A Lebanese student stops by. Eli needs the lawyer’s money to pay his rent. He lives in a nearby town with his mother and two sisters. Their father died in the harbor explosion. Their house was destroyed and they’ve never been compensated. They need $150 to pay the rent on their new apartment. This isn’t the first time; if they don’t pay, the landlord will put them out on the street. Eli’s mother will be starting a new job in two weeks, but this guarantee is no longer enough. Eli can’t go home without money. He’s been sleeping in the street for 3 days.
Gwen tells me that the boss of the production company wants an instant transfer. I tell Pierre about the situation.
L’avocat répond enfin au téléphone. Il explique qu’il a déjà donné 40$ et qu’il ne peut pas donner plus, puis raccroche.
Avec Mathilde, nous appelons des amis Libanais dans l’espoir de trouver une solution.
Connaissent-ils un endroit où ce jeune homme pourrait dormir à l’abri et manger quelque chose ? En attendant de récolter l’argent… La première n’a pas de solution, la seconde me parle d’un orphelinat peut-être ouvert à 2h de Beyrouth. Le troisième me conseille d’appeler la première. Notre traductrice nous recommande la Croix-Rouge puis s’en va.
Pierre ne peut toujours pas faire de virement instantané. Il me propose d’appeler la société de production. Je transmets à Gwen qui transmet au bras droit du producteur qui transmet au producteur.
The lawyer finally answers the phone. He explains that he’s already given $40 and can’t give any more, then hangs up.
Mathilde and I called our Lebanese friends in the hope of finding a solution.
Do they know of a place where this young man could sleep in a safe place and eat something? The first has no solution, the second tells me about an orphanage that might be open 2 hours from Beirut. The third advises me to call the first. Our translator recommends the Red Cross, then leaves.
Pierre still can’t make an instant transfer. He suggests calling the production company. I pass on to Gwen, who passes on to the producer’s right-hand man, who passes on to the producer.
Le portable de Mathilde s’éteint. Le mien n’a plus que 5% de batterie. Nous décidons de trouver un café pour les recharger, localiser la Croix-Rouge et régler cette histoire de caméra. Nous invitons Eli qui esquisse un sourire et nous suit sans poser de questions. Installés dans le premier bar à chicha de la rue, je commande 3 cafés et nous partageons nos Man’ouchés.
Mathilde’s mobile goes off. Mine has only 5% battery life left. We decide to find a café to recharge them, locate the Red Cross and sort out this camera issue. We invite Eli, who just smiles and follows us without asking any questions. Settling into the first chicha bar on the street, I order 3 coffees and we share our Man’ouchés.
La Croix-Rouge la plus proche se trouve à 20 minutes de marche. Eli observe son café dubitatif. Il m’explique qu’il n’en a jamais goûté. Je me rappelle qu’il a 15 ans… et me sens particulièrement inutile. Il nous parle de sa mère et de ses sœurs dans un mélange d’anglais et d’arabe. Il parle bien mieux anglais que moi à son âge. Je me demande ce que j’aurais fait dans sa situation. Combien de jours aurais-je survécu ? On commence à réfléchir à une solution. Eli semble reprendre un peu espoir, il avale son café avec une grimace. Je crois qu’il se sent en sécurité. Je fais mine que tout va bien. Mon téléphone sonne.
Pierre m’explique qu’il a eu le producteur au téléphone, que celui-ci est rassuré. Il va en discuter avec son bras droit et revenir rapidement vers nous. Je remercie Pierre et demande ce qu’il en est à Gwen.
The nearest Red Cross is a 20-minute walk away. Eli looks at his coffee dubiously. He explains that he’s never tasted it. I remember he’s 15… and feel particularly useless. He talks about his mother and sisters in a mixture of English and Arabic. He speaks much better English than I do at his age. I wonder what I would have done in his situation. How many days would I have survived? We start to think about a solution. Eli seems to be regaining a little hope, swallowing his coffee with a grimace. I think he feels safe. I pretend everything’s fine. My phone rings.
Pierre tells me that he’s spoken to the producer on the phone and that he’s been reassured. He’ll discuss it with his right-hand man and get back to us shortly. I thank Pierre and ask Gwen about the situation.
La solution la plus simple serait de lui donner l’argent. Mais je sais que donner des billets n’est jamais vraiment une solution. Cela règle superficiellement un problème plus complexe : l’impossibilité de subvenir à ses besoins primaires. Que faire ? J’essaie de me projeter 2 ans en arrière, quand je travaillais dans les bidonvilles d’Indonésie avec l’ONG LP4Y. Nous accompagnons des jeunes vers l’insertion professionnelle. Trouver un travail décent permet un salaire fixe, une assurance, des jours de congés, le minimum pour que la vie ne soit plus un combat journalier mais une étendue temporelle que l’on peut plus ou moins s’approprier. Un travail décent libère l’espace nécessaire pour commencer à construire sa vie.
Mais Eli n’est même pas majeur et il n’y a pas de travail au Liban. J’ai l’impression d’être cet élève s’obstinenant à utiliser le théorème appris par cœur pour régler un problème qui se moque des réponses toutes faites.
Que dois-je faire ? M’excuser et m’échapper ? Pourquoi toutes ces questions ? Il ne me viendrait pas à l’idée d’hésiter s’il fallait secourir un cycliste renversé par une voiture. Qui peut rentrer chez lui et se sentir vivant après avoir refusé d’aider un adolescent à la recherche d’un endroit où dormir ?
A quoi bon avoir une famille et des amis qui vous aiment, des ressources intellectuelles, financières, si quand un jeune garçon de 15 ans vous demande de l’aide vous faites preuve de lâcheté absolue ? Si quand il s’agit de faire la chose la plus élémentaire – aider son prochain – vous vous dérobez au prétexte que ce n’est pas dans vos cordes, que vous ne savez pas, que vous ne pouvez rien faire ? L’humilité n’est pas une vertu pour expliquer son absence de courage.
Je crois que nous perdons trop de temps à intellectualiser des problèmes pourtant simples : il est impensable que nous n’aidions pas Éli. Essayons maintenant de le faire au mieux.
Gwen m’explique que le bras droit et le producteur sont au téléphone et qu’il me tiendra au courant.
The simplest solution would be to give him the money. But I know that giving money is never really a solution. It superficially solves a more complex problem: the impossibility of providing for one’s basic needs. So what can I do? I try to think back 2 years, when I was working in the slums of Indonesia with the NGO LP4Y. We help young adults to find employment. Finding a decent job means a fixed salary, insurance, days off, the minimum so that life is no longer a daily struggle, but a temporary extension that we can more or less make our own. A decent job frees up the space needed to start building a life.
But Eli isn’t even over 18, and there’s no work in Lebanon. I feel like that student who insists on using the theorem he’s memorized to solve a problem that doesn’t care about ready-made answers.
Why all these questions? Apologize and escape? It wouldn’t occur to me to hesitate if I had to rescue a cyclist hit by a car. Who can go home and feel alive after refusing to help a teenager looking for a place to sleep?
What’s the point of having family and friends who love you, intellectual and financial resources, if when a 15-year-old boy asks you for help you show absolute cowardice? If when it comes to doing the most elementary thing – helping your fellow man – you shy away on the pretext that it’s not in your power, that you don’t know, that you can’t do anything? Humility is not a virtue to explain one’s lack of courage.
I think we waste too much time intellectualizing simple problems: it’s unthinkable that we wouldn’t help Eli. Let’s try to do the best we can.
Gwen tells me that the right-hand man and the producer are on the phone and will keep me informed.
Nous réfléchissons ensemble. Eli a récolté pour le moment 45$. Il lui manque donc 105$. Et s’il proposait au propriétaire la moitié de la somme, c’est à dire 75$ ? Le temps que sa mère commence son nouveau travail et demande une avance pour compléter au plus vite. Ça pourrait marcher. Je ne sais pas si Eli a tout compris mais je sens son visage s’illuminer. Il doit donc récolter 30$.
Nous décidons de demander de l’aide à la Croix-Rouge et reprenons la route. La nourriture et le café lui on fait du bien, Eli nous parle de son village et nous montre le porche sous lequel il a passé les dernières nuits. J’essaie de ne rien laisser paraître, mais je suis furieux. Furieux contre mes amis qui n’ont pas su nous aider, furieux contre les passants qui détournent leur regard, surtout furieux contre moi qui fait semblant que tout va bien alors que je sais qu’un jeune Libanais de 15 ans dort depuis 3 jours sur le trottoir à la recherche d’une centaine de dollars pour loger sa mère et ses soeurs.
Mathilde discute avec lui pendant que je m’occupe de l’itinéraire. Eli hésite à vendre la croix qu’il porte au cou, seul souvenir de son père, pour 5$.
Le Producteur et son bras droit ont terminé de délibérer et me demandent la preuve de virement que Pierre vient de m’envoyer. C’est plutôt bon signe, je la transfère à Gwen.
We think together. Eli has raised $45 so far. He’s still $105 short. What if he offered the owner half the amount, i.e. $75? Just long enough for his mother to start her new job and ask for an advance to complete it as quickly as possible. That could work. I’m not sure Eli understands, but I can feel his face light up. So he needs to raise $30.
We decide to ask the Red Cross for help and get back on the road. Eli tells us about his village and shows us the porch where he spent the last few nights. I try not to let it show, but I’m furious. Furious at my friends who couldn’t help us, furious at the passers-by who look away, furious at me for pretending that everything’s fine when I know that a 15-year-old Lebanese boy has been sleeping on the sidewalk for 3 days, looking for a hundred dollars to house his mother and sisters.
Mathilde chats with him while I take care of the itinerary. Eli is hesitant to sell the cross he wears around his neck, his father’s only memento, for $5.
The Producer and his right-hand man have finished deliberating and ask me for the proof of transfer that Pierre has just sent me. I pass it on to Gwen.
Nous arrivons devant la Croix-Rouge. Une volontaire, étudiante en médecine, nous accueille avec un étrange mélange de bienveillance et d’impatience. Elle discute avec Eli et confirme l’histoire que nous avions cru comprendre. Elle n’a malheureusement pas de solution.
Je perds patience et lui demande si elle connaît un orphelinat, un endroit où Eli pourrait passer la nuit en sécurité, ou avoir au moins de quoi manger. Elle m’écoute calmement puis me dit de regarder autour de moi. Un père et son fils sont en train de mendier sur le trottoir d’en face. Elle ajoute en anglais “Il y a des gens dans la rue partout, il y a des gens qui ont faim partout, il ferait mieux de retourner dans son village auprès de sa famille, il lui reste au moins cela”.
Que faire ? Nous marchons le long de la rue Armenia. Le père et son fils nous suivent et nous interpellent “We need money to eat, please help!” puis finissent par nous laisser.
Nous nous asseyons à l’ombre d’un escalier. Le ciel est pur, la lumière méditerranéenne inonde les rues et réchauffe les cœurs. Je fixe le soleil comme s’il pouvait faire tomber des dollars. Nous décidons de confier à Eli le nécessaire pour qu’il rentre en bus chez lui ainsi que 20$. Puis il essaiera de récolter 10$ auprès de ses amis, sa famille et de négocier avec le propriétaire. Le plus déconcertant, c’est que Eli semble ravi. Il nous remercie chaleureusement puis s’en va avec le sourire en nous faisant de grands signes de main.
Avec Mathilde, nous rentrons en silence. Aurions-nous dû lui donner plus d’argent ? Contacter d’autres ONGs ? Micha m’appelle, elle nous attend devant la maison avec un Moutabal fait l’après-midi même. Mince, nous avions complètement oublié notre invitation.
Gwen m’appelle, il a récupéré la caméra après 4h de train et 3h de négociations ! Je le félicite. J’envoie un message à Pierre, il me félicite.
We arrive in front of the Red Cross. A volunteer, a medical student, greets us with a strange mixture of benevolence and impatience. She chats with Eli and confirms the story we had understood. Unfortunately, she has no solution.
I lose patience and ask her if she knows of an orphanage, a place where Eli could spend the night in safety, or at least have something to eat. She listens calmly, then tells me to look around. A father and his son are begging on the opposite sidewalk. She adds in English, « There are people on the street everywhere, there are hungry people everywhere, he’d better go back to his village to his family, he’s got at least that much left ».
What can we do? We walk along Rue Armenia. The father and his son follow us, calling out « We need money to eat, please help!
We sit down in the shade of a staircase. The sky is clear, the Mediterranean light floods the streets and warms our hearts. I stare at the sun as if it could drop dollars. We decide to give to Eli what he needs to take the bus home and $20. Then he’ll try to collect $10 from friends and family and negotiate with the owner. The most disconcerting thing is that Eli seems overjoyed. He thanks us warmly, then leaves with a smile on his face and a big wave.
Mathilde and I return in silence. Should we have given him more money? Contacted other NGOs? Micha calls me, she’s waiting for us in front of the house with a Moutabal made that very afternoon. Damn, we’d completely forgotten about our invitation.
Gwen calls me, he’s got the camera after 4 hours on the train and 3 hours of negotiations! I congratulate him. I send a message to Pierre, and he congratulates me.
>> Par ici pour découvrir le premier article : Ghida, les abeilles du Akkar.
>> Click here to read the first article : Ghida, the bees of Akkar.
4 comments
On se retrouve absorbée par ces capsules, c’est magnifique !
Un voyage qui invite aussi à nous questionner sur notre quotidien
Bravo !!
Merci pour ce témoignage
article très intéressant et fort bien ecrit
[…] […]