À Paris, chaque rue ressemble à un souvenir. De surprises en découvertes, un simple croisement peut évoquer un espoir ou une déception, un rêve ou une réalité. C’est ce qui nous fait tant aimer notre capitale, mais aussi s’y sentir parfois perdu.
Avec l’artiste Malouine d’Aubert, nous vous proposons une promenade rive gauche autour de Port-Royal. L’aquarelle évoque avec justesse la ritournelle des promeneurs. Et le rythme d’un pinceau humide, le pas indéterminé des Parisiens.
Prendre à droite ou à gauche ? Qu’importe, marchons.
1/3 – L’Observatoire du temps :
L’Observatoire de Paris, par Malouine d’Aubert
Comme une biographie, une promenade commence par un point de départ. La mienne naquit un soir d’avril, tandis que je remontais le boulevard de Port-Royal, à la frontière des 5ème, 6ème et 14ème arrondissements.
On se demande toujours qui est le plus surpris entre l’immeuble et le Parisien. « Quoi ? Toi, ici ! ». Une fois la lente montée expiée, le souffle coupé, je me retrouvai face à face avec un bloc de calcaire noirâtre. C’était l’Observatoire de Paris qui m’observait. Ce site a été construit au XVIIème siècle sur ordre de Louis XIV pour accueillir les recherches liées à l’astronomie et, désormais, à sa digne héritière, l’astrophysique contemporaine. Un sublime laboratoire de l’architecture classique qui accueillera plus tard un télescope à monture équatoriale de 9 mètres de long pour observer le ciel étoilé. Le dôme blanc, bâti par Arago, couvre ce sanctuaire scientifique telle une couronne sur la tête d’un prix Nobel. Un sommet enneigé qu’on reconnaît immédiatement depuis les chambres de bonnes du Quartier Latin.
L’Observatoire est le maître du temps en France. Le méridien de Paris y est ici défini. Ce qui signifie que chacune de nos montres, nos smartphones et nos réveils doivent s’aligner sur cette horloge autoritaire. En d’autres termes, l’heure légale en France se règle sur ce bâtiment isolé, oublié des pots d’échappement parisiens.
Car à Paris, le temps s’échappe comme depuis un casino. Ces prisons dorées sont construites sans fenêtres pour faire perdre la notion du temps aux joueurs, les saigner jusqu’à la dernière goutte d’argent. Comme dans les casinos, le tic-tac de l’horloge diminue dans les bars de la capitale jusqu’à s’évanouir. « Je pèse sur moi » écrivait Saint Augustin. Encore faut-il avoir la chance de s’en rendre compte. Car Paris est une ville qui alourdit. Un organisme urbain qui transforme des adolescents en grands enfants, puis en vieux beaux et, à la fin, en cadavres étonnés. Les clochards et les délaissés récoltent les miettes de nos vies : pitié, argent, croissants et « bon courage ». C’est-à-dire rien. Seul le temps qu’on offre aux gens montre l’estime qu’on leur porte. Et à Paris, le temps n’existe plus.
Je crois que c’est l’une des causes de mes nombreuses promenades. C’est une activité entièrement gratuite, c’est-à-dire complètement inutile. Comme depuis l’Observatoire avec son télescope, on peut enfin lever la tête pour regarder le ciel. Qu’y voit-on ? La vie en bleue ? J’y retrouve l’assurance que le temps s’écoule. La promesse que l’éternité est dans le moment présent. Dieu ?
Peut-être. Mais un promeneur se doit de se promener. Je continuai donc à marcher.
2/3 – L’Université du passé – Institut d’Art et d’Archéologie
L’institut d’Art et d’Archéologie, par Malouine d’Aubert
Je descendais l’avenue de l’Observatoire jusqu’à Port-Royal en direction du Jardin du Luxembourg. D’ici, l’horizon se dévoile. Huit kilomètres plus loin, la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre pointait le bout de son nez éclairé. La Bonne Mère parisienne veillait sur sa ville endormie – comme tous les soirs depuis 132 ans.
L’Institut d’art et d’archéologie, que je dépassais par la droite, a été construit peu après. Un grand bloc de briques rougeâtres qui m’évoque autant une forteresse orientale fantasmée qu’un coron de la cité ouvrière de Roubaix. Cette université du passé me ramena à des amitiés et des amours perdues « qui ne se retrouvent plus ». Pourquoi ont-elles existées ? Pour nous construire, dit-on parfois. Ou, peut-être, pour passer le temps, je ne sais pas. « N’aie pas pitié des morts, Harry. Aie plutôt pitié des vivants et surtout de ceux qui vivent sans amour » suggérait Dumbledore à la fin des aventures de celui que nous avons tous rêvé d’être. Nos proches disparus sont souvent à quelques rues, en train de respirer le même air, avec des réflexions similaires que nous ne partagerons désormais plus à force d’avoir pris l’habitude de se perdre de vue. Le passé n’est pas l’oubli – on y pense trop souvent pour cela ! Le passé, c’est l’abandon d’apercevoir le futur dans certaines relations humaines. L’Homme est le nœud de ce qu’il a emmêlé. Les joies, les tristesses, et tout ce qu’il y a entre les deux.
Comme Jul, « je chante ma mélancolie du soir ». L’Institut secouait les poussières de mon âme âcre. À défaut d’un scooter GTi à mettre en Y, je continuais donc à pied mon chemin pour les dissiper.
3/3 – Le futur est maintenant : Le Val de Grâce
L’église du Val de Grâce, par Malouine d’Aubert
Rue du Val de Grâce. Sans surprise, l’église éponyme était au bout de la rue. Des jeunes fumaient de la beuh magique devant ce chef d’œuvre du XVIIème. Peut-être leurs rêves en seront-ils plus inspirés ? De loin j’écoutais distraitement leurs discussions, c’est-à-dire essentiellement des insultes qu’ils se balançaient comme un ballon.
On passe notre temps à éructer contre les limites évidentes de nos parents ou celles des générations passées. La crise environnementale serait un complot des anciens contre le futur – « contre NOUS » ! La crise sociale, une alliance des vieux glorieux contre les bourgeonneux deliveroo – « contre NOUS » ! Le combat permanent contre le passé est une guerre vaine. Car c’est s’entêter dans la même erreur que ce que nous pointons du doigt : espérer que notre génération soit la plus aboutie. Comme si les mouvements de l’Histoire, l’évolution de l’Humanité avaient convergé dans un seul but : « NOUS » ! Ces préoccupations indignées ne sont que de l’égotrip mal dosé. Je m’emmerde autant avec les moralistes en toc que les puritains malsains. Une personne hurlant qu’elle n’est pas folle, ce n’est pas bon signe. Pareil pour les rabâcheurs de morale, pas bon signe. « Je crois que ces prosateurs, avec leurs choix de lois et de dictons, ignorent combien un homme peut être heureux » estimait Thoreau dans son journal.
Tout devint silencieux. Je contemplai le Val de Grâce et oubliai tout.
Seule la pierre est capable d’harmoniser deux idées contraires, ici le Classique et le Baroque. C’est-à-dire, l’alliage le plus fin entre la rigueur et l’euphorie, entre le carré et le rond, entre le Christ et l’humanité pécheresse. L’être humain en paraît incapable avec ses « pour ou contre » à la Konbini, ses statistiques machinales ou encore ses “communautés” divisées qui ne créent qu’un fond sonore inaudible. A contrario, plusieurs travailleurs, ensemble, avec leurs contradictions réunies, sont parvenus à créer cette perfection architecturale.
Le Val de Grâce est bipolaire, comme l’âme humaine. Une oscillation perpétuelle entre le bon et le mal, jamais complètement l’un ni totalement l’autre, mais toujours un peu des deux. On ne doit pas se désolidariser des mauvais penchants d’une société car ils sont intimement liés à ses bons côtés. De même, il est ridicule d’aimer seulement les qualités d’une personne qui sont le miroir de ses défauts. La seule chose à faire, c’est espérer s’améliorer. Être lunatique est merveilleux, cela permet de se souvenir que nous sommes toujours en chemin.
Aquarelles : Malouine d’Aubert
Texte : Baudouin Duchange
2 comments
L’institut d’art et d’archéologie, mon lieu de formation, c’est vrai quel curieux bâtiment ! Belles aquarelles
Merci !
Sur l’Avertissement qui peut arriver très bientôt, ou/et pour croire en la Vérité qu’est Jésus-Christ, qui nous attend les bras ouverts (sur la vaccination, Il en parle, on peut prier pour que le chef de l’Etat français et celui de chaque Eglise chrétienne aient le courage de dire la vérité à ce sujet) et pour découvrir des chansons chrétiennes pour gagner :
https://helenemusiques.wordpress.com/don/mes-chansons-chretiennes/
GLORIA DEO C’EST ENSEMBLE QUE NOUS GAGNERONS !
HELENE JOSEE M