Ce soir, c’est match au Parc.
Comme nous sommes un peu en avance, on se pose dans un bar pour s’enfiler une pinte. Ce match, c’est une confrontation entre deux équipes qui ne sont pas du même monde. D’un côté, le PSG, ses millions, et sa ribambelle de stars. De l’autre, le FC Nantes, une équipe du cru de la Ligue 1, avec ses joueurs inconnus et son budget serré.
Le storytelling David contre Goliath offert sur un plateau.
Causerie d’avant-match : haro sur la data
Si la rencontre promet d’être déséquilibrée, on vient aussi pour « voir » des joueurs. Deux en particulier, du côté du PSG : Lionel Messi et Kyllian Mbappé. Ces deux extraterrestres, protagonistes principaux de la dernière Coupe du Monde, représentent le gratin de la planète football, son passé, son présent et son futur. Adversaires au Qatar lors d’un affrontement homérique en finale, les voici réunis ce soir sous la même tunique. Chacune de leurs prises de balles sera scrutée de près dans cette dernière étape avant le match crucial de mercredi prochain à Munich, en huitième de finale de la Ligue des Champions. Et pour Mbappé, c’est peut-être l’occasion de devenir le meilleur buteur de l’histoire du Paris Saint-Germain s’il marque un but. Avec mon frère, on se prépare à faire les yeux ronds.
Entre nous, la discussion roule sur la place de la data dans le football – les données statistiques par lesquelles les performances des joueurs sont analysées. La place prépondérante de celle-ci donne désormais trop de place à la performance individuelle par rapport à la performance collective. Absorbé par la formation de notre front anti-data, on file trop tard au match et on n’assiste pas à l’échauffement.
1ère mi-temps : Remontada miniature
Remontada : ce mot, devenu à la mode un fameux soir de 2017 lors de la remontée de Barcelone contre le Paris Saint-Germain, nous revient forcément à l’esprit ce soir. Dans un stade rempli, les joueurs du Paris Saint Germain prennent rapidement l’ascendant sur leurs adversaires nantais. Sur un débordement du TGV portugais Nuno Mendes, Lionel Messi se jette, passe devant le roc de la défense canarie Nicolas Pallois pour pousser le ballon au fond des filets dès le début du match. Un autre but parisien suit rapidement sur un contre-son-camp maladroit d’un défenseur nantais.
Ludovic Blas, le phare des nantais dans la tempête.
Le Parc des Princes chante sa joie et les supporters se préparent à voir une rencontre à sens unique, une répétition de football avant le match de mercredi prochain. Le ballon tourne sereinement dans les pieds parisiens et les joueurs nantais peinent à aligner trois passes. Le gouffre annoncé entre les deux équipes se creuse sous nos yeux.
Mais soudain, contre toute attente, les canaris se rebiffent. Dans le sillage de leur meilleur joueur, le français Ludovic Blas, les jaunes et verts relèvent la tête et marquent deux buts pour revenir à égalité avant la mi-temps. Blas, le numéro 10, marque le premier d’une belle frappe du gauche sur laquelle le portier parisien Donnarumma est fautif, oubliant de couvrir son premier poteau. Le second but nantais est inscrit sur un corner où les jaunes sont plus agressifs que les défenseurs parisiens pour propulser le ballon dans la cage. Messi et Mbappé, qui ont tous les deux subi des remontadas mémorables dans leur passé, se prennent la tête devant ce scénario imprévu. A notre droite, les supporters nantais animent tellement la rencontre avec des chants et des drapeaux que je loupe le deuxième but nantais en les observant.
2ème mi-temps : MandM en force
La deuxième mi-temps sera finalement à l’avantage du favori. Dès le retour du vestiaire, les parisiens commencent à faire le siège de la surface de réparation adverse. Les nantais, eux, se préparent à faire le dos rond. Messi et Mbappé sont attendus côté parisien pour faire sauter le verrou jaune et vert.
Même quand leurs joueurs sont en difficultés, les supporters nantais font le spectacle en tribune.
Messi, particulièrement, hausse son niveau de jeu en seconde période. Ses prises de balles sont plus précises, ses accélérations plus franches, ses passes mieux dosées. Son jeune partenaire français a quant à lui plus de difficulté à se mettre en évidence : face à une défense basse, ses qualités naturelles de vitesse et de prise de profondeur sont plus dures à exploiter.
Mais c’est finalement du pied du jeune attaquant parisien que la lumière viendra. Sur un de ses centres, le défenseur parisien Danilo s’élève pour piquer une tête dans les filets du gardien nantais impuissant.
La fin de match est plus décousue. Les nantais poussent pour égaliser, mais leurs attaquants sont maladroits. Dans leur dos, il y a de plus en plus d’espaces pour les duo d’attaque parisien. Messi fait le spectacle. Chacun de ses dribbles met au supplice l’adversaire qui est sur le fil.
Dans le stade, tout le monde attend un pion de Mbappé pour que la cérémonie prévue en son honneur ait bien lieu. Ce but viendra couronner la soirée dans le temps additionnel. Sur un débordement du latéral droit, Mbappé récupère le ballon, se retourne d’un coup de rein et tire du gauche. Le ballon fait trembler les filets et c’est tout le stade qui exulte pour le buteur français. Les supporters étendent un large tifo à son effigie.
Feu d’artifice pour Kyllian
A peine la fin du match est-elle sifflée que le speaker parisien nous prévient : “ne quittez pas le stade, une cérémonie est prévue pour célébrer le titre de meilleur buteur du club de Mbappé”.
Mbappé perdu dans sa fumée de meilleur buteur.
Sur le rond central, un très large drapeau représentant le logo du club est installé. A droite, un autre drapeau s’élève dans le ciel de Paris avec le dessin de Kyllian Mbappé. C’est tout sourire que le buteur pénètre à nouveau sur la pelouse pour adresser un message au public et soulever son trophée de meilleur buteur dans un feu d’artifice. Le Parc des Princes crie son nom ; beau signe de reconnaissance pour celui a mis longtemps à attirer de la sympathie à son égard à cause d’un comportement jugé parfois trop individualiste. Le sourire de Mbappé semble en dire long sur sa joie d’être ainsi adopté par le Parc des Princes. Mais le nouveau chouchou du Parc n’a pas non plus trop le temps de profiter : une photo avec les copains, et au lit. Dans quatre jours, c’est le Bayern de Munich qui sera sur sa route.
Arnaud de Bonnefoy