Plus ça fait peur, moins les autres veulent y aller et plus je suis motivé. C’est là que je vais déclencher mon « excellence ».
Thomas d’Harcourt
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Partie 1 – La passion dure 7 ans
Mélange de surf et de parapente, le kitesurfeur glisse sur l’eau tracté par un cerf-volant, l’oubliant le temps d’une vague et s’y suspendant le temps d’un saut. Ce sport a littéralement changé ma vie. De nature casanière, il m’a poussé à parcourir le monde, du Maroc à Madagascar, en passant par l’Indonésie, l’Île Maurice, la Guadeloupe, l’Espagne et le moindre recoin des côtes françaises. Mes études terminées, je n’avais qu’une idée en tête : partir voyager et kiter le plus possible dans le but de progresser, et découvrir ce que ce sport provoque en moi de si particulier.
De retour d’un voyage de six mois en Colombie au rythme de la voile et du kitesurf, je rentre en France avec une idée en tête : construire un projet professionnel autour de ce cerf-volant gonflable qui guide ma vie depuis 5 ans.
A l’aube de mes débuts professionnels, un choix difficile s’impose à moi : poursuivre mon rêve à l’autre bout du monde ou suivre un chemin tout tracé. C’est la première vraie décision que j’ai prise de ma vie, à 23 ans. 3 ans plus tard, après une formation de coaching de 2 jours, je réalise pourquoi j’ai fait ce choix de rester à Paris et de renoncer à mon rêve.
Difficile d’échapper au système
Avec ma formation d’ingénieur, je me tourne naturellement vers les grandes marques du secteur du kitesurf pour devenir désigner, avec l’espoir de me rapprocher des côtes. Mais deux mois après mon retour, toujours aucune piste. Je ne ménage pourtant pas mes recherches : je m’introduis clandestinement dans les locaux R&D de Decathlon, traverse la France pour des entretiens d’embauches, postule comme vendeur… Que des échecs. Je finis par me rendre à l’évidence et me tourne vers le bâtiment, voie classique pour les ingénieurs en quête de sensations fortes (en tout cas humainement). J’avais pourtant clarifié à mon coach un an plus tôt comme objectif des 10 séances que nous allions passer ensemble, que je voulais trouver le job de mes rêves et ne PAS finir conducteur de travaux !
Pour me prouver que je peux faire autre chose de ma vie que de prendre du plaisir, je me lance dans les recherches d’un travail “sérieux”. En deux semaines tout est plié et j’ai le luxe de pouvoir choisir entre les salaires et les avantages des différents majors du BTP. Bouygues, Colas, Eurovia… Le “système” a eu raison de moi. Il ne me reste plus qu’à signer…
Mes amis de voyage, picousés à l’adrénaline et dont le mode vie m’intriguait, m’avaient prévenu de ne pas céder aux sirènes des K€. Habitué au confort et menotté par un emprunt, il serait trop dur d’en sortir par la suite. Dans cette période de doute après de nombreuses prières, le Bon Dieu se décide à me délivrer : je reçois un appel pour une occasion en or à Cape Town, capitale mondiale du kitesurf. Un ancien ingénieur, comme moi, fan d’aventure, comme moi, y a monté une école et un magasin de kitesurf il y a 10 ans puis a répliqué le modèle avec le parapente. Il cherche quelqu’un pour gérer la partie kitesurf pour la saison avec un CDD de 6 mois. Le salaire est correct, le cadre idyllique, et le job est challengeant : la voie royale pour échapper à ce fameux “système” et réaliser mon rêve.
La décision d’une vie
Ma future femme, malgré la peur de l’éloignement, me dit de foncer. Mes parents, frileux à l’idée de me voir repartir me blondir les cheveux au sel de l’océan, me suivent, malgré tout, dans ma démarche. Mon père spirituel, qui ne jure que par l’engagement, le travail et l’effort, m’encourage à partir. Mais pourtant, quelque chose me dit de ne pas y aller.
La peur ? Je ne pense pas, ou en tout cas je ne me l’avouerai jamais. Changer de vie, tout quitter, seul, je l’avais déjà fait 6 mois plus tôt, et n’avais jamais été aussi heureux et épanoui de ma vie. Pourquoi ne pas recommencer ? Il s’agit là non pas d’un départ insouciant la fleur au fusil avec mes quelques économies, mais de la construction d’un nouveau CV, un autre mode vie, auquel mes cinq années d’études d’ingénieur ne me seront d’aucune utilité. Un retour en arrière ne sera pas possible.
De plus, la personne avec qui je rêve de passer le restant de mes jours, que j’ai déjà quitté six mois pour aller m’envoyer en l’eau et en l’air, doit partir faire son dernier semestre d’étude en Inde. Notre couple pourrait ne pas supporter cette double distance prolongée, et il est plus sage de rester à Paris pour le sauver. Je me suis longtemps caché derrière cette excuse pour ne pas avoir saisi cette opportunité et ai choisi la version : “j’ai fait le sacrifice de mon rêve pour la personne que j’aime.”
Après la cure, le sevrage
J’ai refusé Cape Town pour un poste de conducteur de travaux chez Vinci à Paris.
Il m’est arrivé de ruminer, lorsque je trimais, pendant 2 ans, 6 jours sur 7 et 14h par jour, pour 2500€ par mois. Je m’endormais souvent aux rares dîners où j’avais encore la force d’aller.
C’était pourtant une des meilleures décisions que j’ai prise de ma vie.
Depuis cette décision, ma copine est revenue d’Inde, nous nous sommes mariés, elle m’a supporté pendant mon expérience bâtimentaire. Deux ans plus tard, nous nous sommes engagés chez LP4Y, un mouvement international luttant pour l’insertion professionnelle et sociale de Jeunes en situation de grande pauvreté et victimes d’exclusion. J’y ai découvert le VRAI job de mes rêves, mais ce n’est que récemment que j’ai définitivement compris les illusions que j’avais mises dans le kitesurf.
En effet ce sport a eu l’effet d’une drogue sur moi. Douce certes car bonne pour la santé, mais une drogue quand même, au sens où elle me faisait sortir du présent, occupait mon esprit 24h/24 et ne provoquait en moi qu’un plaisir éphémère pour me replonger dans la frustration aussitôt la session terminée. Les seuls moments où je me sentais libre étaient les pieds sur une planche, tirée par mon cerf-volant. Après 2 ans de conduite de travaux à Paris puis 1 an de mission de volontariat en Asie, une formation de 2 jours va m’aider à mettre un sens à ces choix et changer ma vie professionnelle.
Surf et bâtiment, incompatibles ? Rare sont les mèches blondies par le sel sous les casques de chantiers.
Partie 2 – Le plaisir dans l’action
Plaisir = talent
J’ai toujours aimé le sport. Et la plupart du temps, je suis bon. Pourtant, je n’ai aucun talent particulier hormis celui d’aimer ça. Brel disait : “Le talent ça n’existe pas, le talent c’est d’avoir envie de réaliser quelque chose.” Je ne suis pas entièrement d’accord. Mon ami qui manie sa raquette de tennis comme une baguette magique n’est-il pas plus talentueux que moi ? En effet, j’ai probablement dû travailler deux fois plus pour arriver à lui prendre un set. Mais j’ai le talent d’aimer ça passionnément, ce qui ne me fait pas compter les heures d’entraînement, d’analyse, et de réflexion pour m’approcher de son niveau.
“Celui qui gagne est celui qui a le plus de talent.”
Rafael Nadal
En tant que coach d’insertion professionnelle pour des Jeunes exclus à Manille (capitale des Philippines), c’est quelque chose que j’essaie d’inculquer aux Jeunes du centre dans l’élaboration de leur projet professionnel : l’excellence d’action selon la méthode Joël Guillon. Elle part du principe que l’on n’est jamais aussi bon que lorsque l’on prend du plaisir dans ce que l’on fait. Rien de révolutionnaire jusque-là. Sa méthode invite à examiner le mode opératoire, ou “excellence d’action”, propre à chacun et dans lequel on excelle sans effort (et non pas sans travail). Sur le papier, c’est beau !
Cette méthode a changé ma vie plus que je ne l’imaginais, et m’a permis de comprendre pourquoi je ne suis pas parti à Cape Town il y a 4 ans.
Qu’est-ce que j’aime tant dans le kitesurf ? Pourquoi a-t-il dirigé toute ma vie pendant 6 ans ? La sensation de liberté ? L’adrénaline ? Le goût du risque ? Plus les conditions sont extrêmes, plus je suis rassasié. Plus j’ai peur, plus je me sens stimulé. Et plus on me dit que c’est dangereux, plus j’ai envie d’y aller. Pourquoi ne suis-je pas à Cape Town ? J’ai senti à l’époque, sans avoir eu les mots, que ce n’est pas le kitesurf en lui-même qui m’anime, mais cette capacité que j’ai à tout donner pour ce sport. Je voulais retrouver cette motivation dans mon quotidien et mon travail.
Plus ça fait peur, moins les autres veulent y aller, et plus je suis motivé. C’est là que je vais déclencher mon “excellence” : autrement dit, agir selon un mode opératoire qui m’est propre. Je vais alors trouver du plaisir dans l’action, avec facilité aux yeux des autres, et avoir un sentiment de ne pas faire d’effort, là ou d’autres arriveraient à un résultat moindre de manière beaucoup plus laborieuse. C’est là où ma concentration et ma rigueur sont maximales, que je ne laisse rien au hasard, et que je peux travailler sans compter. Le tout en y prenant du plaisir. C’est mon excellence selon la méthode Joël Guillon.
Le mode opératoire
Lors de la formation, on nous propose de nous prendre en “flagrant délit d’excellence” c’est -à -dire identifier des moments où nous utilisons notre excellence au quotidien. Les exemples sont nombreux : lorsque la tension monte entre collègues ou que le mon père m’annonce son cancer, j’ai sais rester calme et réagir avec lucidité. Lorsque, bloqué sur une île quasi-déserte, je dois traverser la mer des Calamian (Philippines) par 5 mètres de vagues sur une embarcation inappropriée, mon instinct me guide. Lorsqu’un ami journaliste me parle de ce quartier de Saint-Ouen voisin du mien, où la police ne peut plus entrer, le sens du défi me pousse à aller vérifier de mes propres yeux (sans succès, m’étant fait repousser par les dealer contrôlant l’entrée. J’ai eu ma dose d’adrénaline pour la journée ce jour-là). Je dois ponctuer ma vie sous forme de défis pour activer ma créativité. Ce génie créatif se révèle de manière différente selon un mode opératoire unique à chacun.
Cet ami m’a dit un jour : “quand je vois l’engagement que tu mets dans le kitesurf, je n’ai aucun doute sur ta capacité à faire un jour quelque chose de grand.” Je n’excelle pas en kite, mais dans mon approche de la pratique : analyse scrupuleuse des conditions météo, intensité des entraînements, préparation minutieuse du matériel, recherche méticuleuse de nouveaux spots (j’ai même écrit un article à ce sujet)… Rien n’est laissé au hasard et tout est fait avec un plaisir immense. Les gens me prennent parfois pour un fou à passer 8h dans l’eau avec 30 nœuds de vent, à encaisser crash sur crash, dans le but de passer une figure. Ou à conduire des heures pour aller naviguer dans une eau à 9 degrés dans la tempête. La méthode Guillon m’a permis de réaliser pourquoi je kite, et qu’il est possible d’appliquer ailleurs ce qui me plait dans ce sport. Pourquoi est-ce important ? Même si je prends un plaisir fou dans ce sport, je n’y vois pas d’horizons. Fin 2018 lorsque le paradis me tend les bras, je décline cette opportunité tant rêvée non pas pour sauver mon couple, mais parce que mon for intérieur m’indique que je me trompe de rêve.
“La gloire est d’être heureux. La gloire n’est pas de gagner ici ou de gagner là-bas. La gloire, c’est de s’entraîner, de profiter de chaque jour, de s’amuser à travailler dur.”
Rafael Nadal
Après la passion, l’amour
J’ai vécu la découverte de mon “excellence” par rapport au kite à la fois comme un deuil, et un sevrage, une libération. Ce qui dirigait ma vie depuis 6 ans, ce à quoi je pensais matin, midi et soir, et sur lequel je construisais mes fantasmes (expéditions, figures toutes plus folles les unes que les autres), est devenu, en un week-end, la même chose que pour tout ceux qui n’ont jamais mis les pieds sur une planche : un sport, magnifique certes, mais rien de plus qu’un moyen de se divertir. Du jour au lendemain, je n’y pensais plus. Le fait de comprendre que je n’étais pas un fanatique mais que mon engouement était simplement dû au fait qu’il correspondait à mon excellence d’action m’a libéré. Réaliser que je pouvais exprimer celle-ci partout ailleurs, et donc prendre du plaisir et être compétent dans de multiples domaines m’a libéré. J’étais libéré de ne plus regarder 20 fois par jours les prévisions météorologiques partout autour du globe, libéré de ne plus vivre la frustration d’être loin de la mer quand le vent souffle, libéré de pouvoir mettre toute ma concentration au service de mon travail, libéré de pouvoir vivre intensément au présent à chaque instant de ma vie, et pas uniquement les pieds sur une planche tiré par un cerf-volant. Aujourd’hui ma pratique du kite est devenue plus saine et inclusive.
Quand j’ai quitté Vinci, après avoir fait une croix sur ma vie sociale pendant deux ans, je me suis dit : “le bâtiment, plus jamais”. J’ai été recruté fin 2019 pour deux ans de missions de coach aux Philippines (pas trop loin de la mer et du vent donc…). On m’a finalement confié la responsabilité d’ouvrir un “Green Village” en banlieue de Calcutta (covid oblige, les frontières philippines étant fermées). Le Green Village est l’un des centres de formation créé par LP4Y au sein duquel les Jeunes construisent leur projet de vie. Il accueille en résidentiel 60 Jeunes en simultané (240 Jeunes par an). Autrement dit : les 4 premiers mois de la mission se traduisent par trouver un lieu, négocier un contrat sur 12 ans, engager des ouvriers, rénover le bâtiment… D’abord déçu, j’ai rapidement aimé la responsabilité qu’on m’avait donnée en arrivant en Inde. M’être lancé le défi d’ouvrir le centre en temps et en heure, avec l’adrénaline de travailler dans un nouveau pays, une nouvelle langue, et une nouvelle culture a changé mon approche du travail…
Aujourd’hui coach à Manille après avoir passé huit mois en Inde, je prends un plaisir fou à accompagner les jeunes, mais aussi à rénover le centre dans lequel je suis, à le rendre le plus beau possible et y passe même mes heures perdues quand je ne suis pas en train de faire du sport. Lorsque j’étais chez Vinci, le problème n’était pas le secteur du bâtiment en lui-même, mais comment intégrer mon mode opératoire dans mon travail. Au point qu’au retour, je ne me ferme désormais aucune porte, y compris celles du bâtiment, pourvu que le défi et l’adrénaline soient là, et que la cause en vaille la peine.
2 jours pour une vie
A 6 mois de ma fin de mission avec LP4Y, je n’ai pas d’idée précise de ce que je vais faire après. La méthode Guillon ne m’as pas apporté sur un plateau ce que je dois faire de ma vie. Mais j’ai pu désigner ce qu’il me faut dans un job pour être épanoui, et appris à vendre mon “excellence”. Certains diront qu’il n’était pas nécessaire de dépenser 1000€ pour savoir que je fonctionne au défi et à l’adrénaline. D’ailleurs, une bonne partie des bénéficiaires de cette formation l’ont pensé une fois leur mode opératoire identifié, ou l’un de leur proche leur a expliqué qu’il n’avait qu’à leur demander pour l’obtenir. Mais aujourd’hui, je peux dire qu’elle a déjà changé ma vie. L’appropriation de son mode opératoire n’est pas immédiate (entre 1 mois et plusieurs années). Pour moi, cette période a duré 6 mois. J’aime prendre mon temps pour comprendre, analyser et intégrer. Cela fait aussi partie de mon mode opératoire.
Je conseille cette formation à ceux ayant le sentiment de ne pas faire fructifier leur énergie. Si vous pensez avoir “du potentiel mais qu’il faut travailler plus” (ou que vous l’avez entendu à votre sujet), rassurez-vous, vous n’êtes pas fainéant. Si vous en avez assez de faire beaucoup d’efforts avec parfois peu de résultats, vous n’êtes pas pour autant incompétent. Vous n’avez simplement pas trouvé comment exploiter votre mode opératoire.
Je vous laisse prendre contact avec Noémie Cabantous, une amie formatrice de cette méthode. Elle saura vous montrer qu’il y a quelque part une manière de faire qui vous est propre, que vous appliquez mieux que quiconque tout en prenant votre pied, vous rendant ainsi excellent. Lors ce cette formation, vous aurez peut être l’impression comme moi, de dépenser beaucoup, qu’on vous donne peu, et que vous auriez pu trouver le résultat tout seul. C’est l’essence même du coaching : vous donner les clés pour trouver vous même votre voie, et orienter votre vie avec liberté et sérénité.
Après un an et demi à accompagner des jeunes adultes vers l’insertion professionnelle dans les bidonvilles de Calcutta et Manille, je réalise l’impact de mon mode opératoire sur ma façon de travailler.
A quelques mois de mon retour en France, de nouveaux choix de vie vont se présenter à moi. Comment utiliser mon excellence au quotidien ? Comment va-t-elle me guider vers de nouveaux défis ?
Réponse à ces questions dans mon prochain article !
>> Découvrir la partie 2
Thomas d’Harcourt
3 comments
Bravo thomas, quel chemin parcouru, avec toujours cette soif d’apprendre, et de vivre a fond et de façon authentique. Merci de nous faire découvrir cette méthode intéressante, et ses fruits dans ta vie. Elle t’a apporté visiblement une grande sérénité et solidité, et va te mener loin, à n’en pas douter !
Magnifique témoignage ! Merci de nous démontrer l’importance de ce projet fou, celui de permettre à chacun de découvrir son excellence d’action, son mode opératoire et donc les clés pour cheminer vers sa meilleure vie, celle pour laquelle nous nous sommes construits au hasard de l’enfance et qui ne tient qu’à nous de découvrir ! 🙏🏻
PS : Bravo à Noémie 😉👏🏻
Bravo, Thomas, pour ce témoignage très personnel, qui nous fait aussi réfléchir, nous.