L’aventure de la boustifaille #2 : Architecture VS Gâteau

by Baudouin Duchange
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Il existe deux manières de penser l’architecture : privilégier l’esthétisme ou le confort. Ce dilemme est la base de mes questionnements quant à la préparation du gâteau au yaourt ! En effet : que choisir entre l’harmonie du goût ou la forme qui fait saliver ?

Gâteau, architecture, le lien n’est pas forcément évident. Il n’en reste pas moins qu’une recette se construit aussi minutieusement qu’un plan d’architecture, et que le rapprochement se devait d’être fait. BSFmagazine, le mag des néo-kool !

 

Livre de recettes

Un chef d’œuvre d’architecture culinaire

 

Recette d’une architecture élaborée pour l’esthétisme extérieur  

L’architecture est le reflet d’une civilisation. Sur l’être humain, la religieuse allemande Hildegarde de Bingen écrivait que « le corps est le chantier de l’âme où l’esprit vient jouer ses gammes ». Si l’on applique cette phrase aux bâtiments :  l’architecture est le chantier de  l’âme d’une nation où son peuple vient jouer ses gammes. L’âme du Moyen-Age devait vraiment être belle lorsqu’on en admire ses décombres. Concernant notre époque, je m’interroge parfois lors de mes promenades. Chantiers de supermarchés, rond-points, immeubles laids mais « fonctionnels ». Les plans d’urbanisme sont les plaintes insensibles d’un siècle couleur béton.

Cette idée de l’architecture comme miroir d’une civilisation s’est posée pour la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Rebâtir à l’identique ou avec de nouveaux plans modernes ?

C’est une réflexion de société qu’on devrait avoir localement pour chaque mur construit dans nos villes et villages. Quelle trace artistique laisser aux générations futures ? Quelle architecture audacieuse proposer pour parler de notre époque ? Car – enfin ! – il ne suffit pas de bâtir pour faire de l’architecture. C’est un art qui parle au corps et à l’âme. La construction d’un bâtiment ne communique malheureusement que rarement à l’un ou à l’autre. Concernant Notre-Dame, Macron a tranché. La « Bonne Mère » parisienne retrouvera le même aspect. Je ne critique pas la décision qui a dû être longuement pesée. Personne n’aurait souhaité être le responsable d’un plan raté. Souvenons-nous des vitraux de l’ouvrier ignare – “l’artiste” Imi Knoebelplacés à côté des chefs d’oeuvres de Chagall dans la cathédrale de Reims… Les responsables, je l’espère, crèveront avec leurs incompétences dans la salle des archives du ministère de la Culture ! Bref, mieux vaut une bonne conservation qu’une mauvaise nouveauté.

 

Et oui, ce sont bien ces réflexions qui me viennent lorsque je prépare un gâteaux au yaourt ! Heureusement, car de l’esprit il en faut pour construire cette merveille de la gastronomie française. L’assemblage des aliments, le choix d’un moule, d’une garniture. Est-ce nécessaire d’ajouter de la confiture une fois le gâteau terminé ? Chacun à son avis sur la question.

 

Détail d'un vitrail de Chagall

Détail d’un vitrail de Chagall, Cathédrale de Reims

Détail d'un vitrail d'Imi Knoebel

Le résultat d’une vilaine politique culturelle… Imi Knoebel, Cathédrale de Reims

 

Recette d’une architecture élaborée pour le confort intérieur  

« Faire sa maison veut donc dire créer un lieu de paix, de calme et de sécurité à l’image du ventre de la mère, où l’on peut se retirer du monde pour sentir battre son coeur ; créer un lieu où l’on ne risque pas l’agression, un lieu dont on soit l’âme. Passé la porte, s’étant assuré qu’elle est bien refermée derrière soi, c’est en soi-même que l’on entre alors ». écrivait le psychanalyse-architecte des années 70 Olivier Marc dans son livre Psychanalyse de la maison (il a travaillé entre autres avec la célèbre architecte d’intérieur Charlotte Perriand et l’intellectuel Ivan Illich). 


Lorsqu’un particulier décide de construire une maison en fonction de son utilisation réelle, un architecte lui pose des questions sur ses besoins du quotidien, sa vie familiale ou encore ses habitudes. Ensemble, ils co-construisent une maison pour faire de l’intérieur quelque chose d’unique. C’est radicalement une autre manière de penser l’architecture, et cela me donne envie de penser que oui, être architecte peut alors être une vocation, à l’image du corps professoral ou médical.

Mais attention : il faut quelqu’un avec une sensibilité certaine pour réussir l’exploit d’un intérieur réussi ! Prenons le contre-exemple du Woolworth Building. Symbole new-yorkais de l’entre-deux-guerres et construit par le propriétaire d’une chaîne de supermarché à bas prix, cette cathédrale profane met en valeur les trois piliers existentiels de la société américaine : le travail, le commerce et l’argent. A défaut d’être insolvable, ce peuple est insauvable. Les gigantesques buildings Trump ou 432 building street confirment nos analyses sur cette course au ridicule. Les américains : un troupeau de boeufs s’astiquant sur des veaux d’or. Un tel mauvais goût souligne la vulgarité d’un pays entier que l’architecture a édifié en bâtiment. L’art n’est pas toujours au service du beau, mais ce n’est pas nouveau.

 

Alors, me direz-vous, et le gâteau au yaourt dans tout ça ? Sa recette me fascine. Elle se fait non en grammes mais en verres : 3 verres de farines pour 2 verres de sucres et 1 d’huile. Ajoutez uniquement 3 oeuf, 2 yaourts et 1 sachet de levure chimique, et vous avez un gratte-ciel prêt en 35 minutes. Moelleuse, sa texture me fait penser à la douceur de vivre. Et cette couleur si aguicheuse ! Je suis fasciné par cette simplicité révélant la perfection d’un gâteau qui se renouvelle à chaque préparation. Quelque chose que l’architecture urbaine actuelle a encore bien du mal à comprendre.

Baudouin Duchange

Capture d'écran d'une fresque du Woolworth Building

Déesse du commerce dans le hall du Woolworth Building. Difficile de faire plus kitch… (capture d’écran ARTE)

 

 

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3 comments

Elisabeth 8 octobre 2020 - 11 h 40 min

Bonjour Baudoin. Je découvre ce blog, et j’ai beaucoup apprécié cet article. Bien écrit, avec de belles références, et un lien tout personnel entre architecture et gâteau au yaourt (je suis fan des deux !), qui se « justifie » tout à fait au regard du ressenti que chacun peut avoir en confectionnant un gâteau au yaourt : certains penseront peut-être au goûter offert par leur grand-mère, experte en délicatesse et élégance, d’autres songeront à la personne pour qui le gâteau est confectionné, d’autres encore aux schémas de leur future cuisine équipée avec grand plan de travail adapté à la confection de bons petits plats (plan de travail qui fait cruellement défaut au moment de mélanger les ingrédients dans la jatte qui tangue sur un coin de meuble…), et hop, de là à songer à l’architecture, il n’y a qu’un pot de yaourt…! Pourquoi pas ? Eh oui, chaque gâteau est différent, au final, et son luxe est de s’adapter à l’instant, pour être toujours parfait. Il en va de même avec l’architecture, surtout actuelle, qui ressemble souvent à un inmangeable gâteau-béton…

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Jean-Claude Duvasseur 4 octobre 2020 - 13 h 11 min

Franchement, j’aime beaucoup votre contenu habituellement. Mais là ! Quoique l’idée est amusante, le lien entre architecture et pâtisserie est quasiment inexistant dans cet article. On a finalement une liste de références architecturales maladroitement exploitées pour un résultat qui se voudrait fin et spirituel mais il n’en est rien.

À bon entendeur.

Jean-Claude.

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motte cécile 30 septembre 2020 - 9 h 53 min

merci Baudouin , je viens de passer un bon moment …..je t’embrasse , bonne maman .

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