Un chant résonne au loin, un appel, fort, dynamique, j’ai l’impression qu’un général réuni ses troupes pour la bataille finale ; type : « la bataille des Champs du Pelennor » du troisième volume du seigneur des anneaux.
Premier réveil
Je n’ai jamais regardé le seigneur des anneaux. Cela demande de la détermination. C’est un peu comme jouer au rugby sans chaussure. Je m’étais promis, à 17 ans – quand je ne savais pas encore que l’amour impose naturellement assez de sacrifices sans qu’il soit besoin d’en inventer de nouveaux – que je regarderai les adaptations cinématographiques de la trilogie “Le seigneur des anneaux” avec ma petite copine de l’époque. Elle était fan du seigneur des anneaux, et du japon aussi, allez savoir.
“ Mais c’est une honte ! s’écrieront les puristes, Le Seigneur des Anneaux, avant d’être une production hollywoodienne à plusieurs centaines de millions de dollars, est un livre, une trilogie écrite pendant 12 ans par ce génie de J. R. R. Tolkien. Regardez les films sans lire les livres c’est comme manger du fromage sans pain ” Je n’irai pas dire le contraire. Pourtant, à cette époque surprenante, quand je découvrais la douceur des sentiments, je ne pouvais me permettre de dévorer les 1 344 pages des 3 tomes réunis. C’était une question de priorité, j’irai même jusqu’à parler de bon sens. Certains de mes camarades avaient fait le choix, de se plonger dans ces bouquins, pour suivre la quête du hobbit Frodo Bessac, qui doit détruire l’Anneau unique afin que celui-ci ne tombe pas entre les mains de Sauron, le Seigneur des ténèbres, avec Sam, le mage Gandalf ou encore l’humain Aragorn. A cette époque, nous n’avions certainement pas à faire les mêmes compromis.
Mais l’amour a ses raisons que la raison ignore. Peu après avoir visionné le premier épisode de cette trilogie promettante, ma douce mit, avec un discours d’une maturité qui m’est encore aujourd’hui hors de portée, un terme à notre relation.
Je regarde ma montre, il est 5 heure, nous sommes dimanche. Je dois me rendormir, adieu Muezzine, Morphée tend moi tes bras. Avant de fermer les yeux, je regarde le ciel à travers le rideau qui couvre sans pudeur ma fenêtre. Le soleil se lève à l’horizon.
“Un soleil rouge se lève, beaucoup de sang a dû couler cette nuit…”
Second réveil
Une musique très proche, trop proche, me réveille. Le morceau m’est inconnu mais il sonne terriblement année 60. Le rif et les chœurs me font penser à Pictures Of Matchstick Men de Status Quo. Les yeux fermés, je laisse mon cerveau dessiner le décor.
Je me retrouve sur un scooter dans un marché à Jakarta. La foule est dense et des personnages souriants me tendent des fruits exotiques, des légumes de toutes les couleurs, des poissons gigantesques…. Et je fonce à travers cette multitude sans jamais ne toucher personne. Il fait nuit mais pourtant le soleil brille dans le ciel. Et celui-ci se rapproche encore et encore, tombe vers moi jusqu’à ressembler à une météorite qui n’a plus grand chose d’accueillante.
Je baisse les yeux et les stands luxuriants sont maintenant des cabanes grisonnantes. Les fruits exotiques et les légumes sont grouillants de verres et les poissons me regardent avec de grands yeux vides. Mon scooter ne veut plus démarrer et la foule autrefois souriante m’agrippe en chantant « I love it when you call me señorita, I wish I could pretend I didn’t need Ya ». Señorita de Camila Cabello et Shawn Mendes.
Cette fois s’en est trop ! j’ouvre les yeux, je quitte mon lit et je plonge sous la douche. L’eau froide fini par chasser de ma tête les derniers « but every touch is ooh la la la ». Il est 8h, le week end peut commencer.
Réveil définitif
Je m’installe avec un café soluble et deux tranches de pain de mie sur la terrasse. L’air est doux et malgré les 28 degrés, la chaleur ardente du soleil ne se fait pas encore sentir. Celui-ci poursuit sa monté dans le ciel gris de Jakarta. Il n’a plus grand chose d’une météorite. De mémoire, il ne me semble pas avoir souvent vu le soleil à Cilincing. Pourtant, sa chaleur est omniprésente. Il faut dire que la pollution forme un filtre imperturbable autour de Jakarta et de ses 10 millions d’habitants. Quand le soleil se couche ou se lève, un nuage grisâtre flotte autour de nous et nous cache l’horizon. Cette brume ressemble à celle que l’on aperçoit en Sologne quand la terre offre sa chaleur à la froideur matinale.
Le petit déjeuner
Mon smartphone vibre, un message apparaît dans la conversation « apéro ce soir » qui regroupe une dizaine d’amis parisiens. Après un rapide calcul – nous avons 5 heures de décalage avec la France – Paris affiche 3 heures 30. Ce message ne m’est certainement pas destiné mais je suis d’un coup très curieux de découvrir l’intitulé de cette missive. Que se passe-t-il à l’autre bout du monde ? Je suis le spectateur secret d’une aventure insolite !
Je saisie mon téléphone et j’ouvre la conversation.
« Je vois la France en finale contre l’Angleterre, Triple de Guirado, on les plie !
– Mec se serait tellement incroyable… évidemment, Dupont président !
– Après avoir mis une branlé aux japonais en demie 👍
– Le weekend pro va être magnifique.
– C’est pour des weekend comme ça, que l’on mérite de vivre !! »
La coupe du monde de Rugby… je suis un peu déçu. Avec mes amis, nous n’avons maintenant plus beaucoup de moments de vie en commun. Pourtant, j’essaie de rester connecter, de garder le fil, de suivre leurs projets, de cœur, d’entreprise, de vacances, de summer body, de plan épargne logement… Après tout, pas besoin de partir à l’autre bout du monde pour construire un projet qui vous anime et vous bouscule !
Mettez dix personnes dans le désert et expliquez-leurs qu’une oasis se trouve à quelques kilomètres. Tout le monde ne partira pas dans la même direction et à la même vitesse. Il y a celui qui n’aura pas soif dans l’immédiat, celui qui constituera son équipe, celui qui criera au complot, celui qui s’assiéra par terre en pleurant, celui qui attendra la pluie, celui qui essayera de vendre la fin de sa bouteille d’eau 500 dollars…
Mais qui trouvera l’oasis en premier ?