En canoë sur l’Allier – #3 Du rallye à la Formule 1

by Un Contributeur
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En canoë sur l'Allier

Découvrez la suite des aventures de Gonzague et Erwan à la conquête de l’Allier, le fleuve le plus sauvage d’Europe. 

 

On aurait pu comparer la première journée de navigation de nos deux camarades à une manche de slalom de Tony Estanguet aux Jeux Olympiques de Londres. On se représente bien l’athlète dévaler les vagues tout en visant juste pour passer les portes dans le bon sens, lisant le courant et les tourbillons afin d’optimiser sa trajectoire et sa vitesse. Mais à ce moment là Erwan et Gonzague se représentaient plus dans la peau d’un pilote de rallye automobile, tel Sébastien Ogier ou Sébastien Loeb, tentant d’aller chercher une 7ème couronne mondiale. À l’image d’une course de rallye WRC, la première journée ne fit pas de cadeaux à nos deux pilotes et, à force de déraper sur les rochers dans les rapides ou de se laisser entraîner sur les bas-côtés de la rivière, ils durent bien, la nuit venue, se rendre à l’évidence que leur véhicule était définitivement endommagé. La carrosserie était sérieusement enfoncée, leurs ailerons étaient partis en fumée, l’aéro était à revoir : plus rien n’allait.

Les mécanos passent donc une partie de leur soirée à retaper le véhicule endommagé (comprendre par là qu’on passe un bon moment à vider le canoë de l’eau qui s’y était clandestinement embarqué en soute). Mais la nuit porte conseil et c’est lors du brief d’avant course, le deuxième jour, qu’on prend une grande décision. Désormais on avait dépassé la partie la plus sinueuse de l’Allier et il nous faut maintenant passer la vitesse supérieure. On décide donc, tels Kubica ou Alonso, de troquer notre baquet de rallye pour un volant de Formule 1.

 

8h30 : La grille de départ

 

En canoë sur l'Allier

 

C’est notre premier Grand Prix de F1. Jeunes pilotes que nous sommes, nous nous faisons un peu surprendre par l’horaire. Il est déjà 8h30, nous ne sommes pas encore partis mais les vaches de leur pré sont là pour nous rappeler l’heure telles les “grid girls” sur la grille du départ. Juste le temps d’un passage aux stands. On jette un dernier coup d’oeil à la carte, on prend une dernière gorgée de café. Nos équipements sont prêts, ici pas besoin de casque, un gilet de sauvetage suffit. Nos mamans en seront moins inquiètes et vu nos péripéties de la veille (voir le précédent article), une nouvelle sortie de piste n’est pas à exclure. Nous voilà enfin sur la grille de départ saisissant notre pagaie tel un pilote tenant son volant. Les “grid girls” s’écartent, le départ va être donné d’un moment à l’autre. C’est parti ! Il est 9h30 et on s’élance à l’assaut de la rivière, contre la carte et la montre.

 

11h00 : 1er pit-stop

Le début de course se passe bien mais cela fait déjà plus d’une heure que nous roulons, enfin pagayons, et la piste use notre embarcation. Il est temps de changer de pneumatiques. Dans notre cas cela signifie écoper l’eau du canoë, remplacer les rustines appliqués sur les blessures du canoë, en profiter pour descendre un thermos de Nespresso, y tremper un ou deux boudoirs et hop nous voilà déjà repartis. En réalité, de concurrents il n’y en a pas autour de nous. Il n’y a pas de temps de référence non plus sur notre parcours. Nous sommes donc les seuls juges et commissaires de notre course. Et c’est pour ça que, pour garder notre rythme, on use de toutes nos techniques pour tromper l’ennui et continuer d’avancer. Entre deux passages techniques les discussions vont bon train. Une fois les ragots épuisés, on parle de la prochaine étape, puis on les entend chanter. Ce sont d’abord des chants scouts pour se donner de l’entrain, puis des chants paillards en guise de pause avant d’enfin entonner tout notre répertoire militaire qui accompagne notre rythme de pagayage. Et puis, quand le temps se fait long, comme un pilote appellerait son box à la radio, on appelle nos potes pour partager notre avancée et prévoir les prochaines vacances. Mais ça y est, à force de chanter et de parler, il est déjà 13h et l’heure du déjeuner approche.

 

En canoë sur l'Allier

 

13h30 : L’arrêt au stand

Nos deux pilotes ont déjà parcouru 35 km à bord de leur Formule 1 d’eau douce et en un temps de record de 4h00. On arrive à Pont du Château (voir la carte interactive ICI) et on s’apprête à effectuer notre deuxième pit-stop. Les mécanos s’affairent, tentent de changer leurs pneumatiques mais cette fois-ci les dégâts sont trop importants. Il va falloir rentrer le bolide au stand et penser à une réparation plus sérieuse. On hisse donc le canoë sur la berge. On achète un mastic, qui une fois réchauffé dans le creux de la main, permet de colmater les brèches. Mais là c’est la double peine : en plus du temps de réparation, il va falloir prévoir deux heures de séchage… 

Notre moyenne au kilomètre est flinguée mais pas de soucis, on a plus d’un tour dans notre sac. Le temps est mis à profit. On sort le saucisson, on met le rosé au frais, on tend même une ligne au cas où une truite passerait par là. Et comme la récupération est primordiale dans ce genre de périple, on prolonge l’arrêt au stand par 20 minutes de sieste technique. Ça y est le mastic est sec, la truite n’a pas daigné croquer mon bout de saucisson mais la bouteille de rosé est vide. Il est l’heure de repartir.

 

16h00 : Deuxième tour de piste

Il est déjà 16h, la pause a duré plus longtemps que prévu. D’après les cartes, il nous reste un peu plus de 10 km. Si le courant continue à bien nous pousser c’est l’histoire d’une grosse heure. Mais le parcours en a décidé autrement, on mettra finalement plus de deux heures pour arriver au terme de l’étape du jour. Plusieurs obstacles vont se présenter à nous. Sur les 10 prochains kilomètres, la rivière descend de presque 50 mètres de dénivelé. On peut donc dire sans mauvais jeu de mots qu’il y a anguille sous roche.

 

En canoë sur l'Allier

 

Ce midi la truite n’avait pas mordue à l’appât mais à peine repartis, alors qu’on navigue maintenant sur une sorte de plateau de calcaire, le fond n’est plus fait de sable, mais l’eau transparente glisse sur la roche. La rivière révèle enfin ses secrets et le soleil aidant, on voit miroiter à chaque coup de pagaie un banc entier de truites ou de perches. Le spectacle est magnifique si bien qu’on se laissent distraire et on ne voit pas les dangers approcher. On nous avait pourtant bien dit de se méfier des courants qui peuvent se révéler puissants et des tourbillons que provoque par endroit la rivière.

 

Maman ne le sait pas

Comme un symbole au moment où un bruit sourd commence à se faire entendre en aval de la rivière, la playlist chante les paroles de cette chanson de Ninho :

 

“Ils veulent nous ralentir, stopper el tráfico. On est cramés dans les bails chico, on est cramés dans les bails chico.« 

Ninho feat. Niska

 

En canoë sur l'Allier

 

On aurait dit que la chanson faisait écho aux barrages que la rivière avait dressés sur leur chemin. En effet subitement, alors qu’on navigue depuis un bon moment sur ce plateau de calcaire, la rivière change radicalement de physionomie. C’est comme si le plateau s’était affaissé sous le poids de l’eau. En moins de 100 mètres, la rivière perd plus de 20 mètres de dénivelé. Au fil des ans, le fleuve avait donc creusé comme des marches dans son lit. Il nous faut donc descendre de notre bolide pour s’aventurer dans cette succession de micro-cascades et leurs courants bouillonnants, mais ça heureusement maman ne le sait pas.

 

18h30 : Passage de la ligne d’arrivée, veillée et bivouac

La suite ne fut pas meilleure puisqu’il nous faut passer deux ponts. On parle ici de traversée car il s’agit souvent de traverser une zone impraticable en canoë comme obstruée par des rochers placés dans le lit au moment de l’édification du pont. Ces deux derniers obstacles passés, on cherche à s’éloigner de l’A89 et de son bruyant trafic autoroutier et on fait enfin halte sur une île en face du village de Joze.

 

Voir sur la carte interactive ICI.

 

En canoë sur l'Allier

 

La ligne d’arrivée passée, pas de cryothérapie pour nos deux champions mais un bon bain, pour le moins vivifiant, directement dans la rivière. Le bivouac se monte, les hamacs sont tendus, le feu est allumé et la soiré peut commencer. Après quelques bonnes bières et une plâtrée de riz, nous voilà autour du feu pour célébrer la journée écoulée, débriefer la course et se préparer déjà à la journée de demain qui devrait déjà nous emmener jusqu’à la ville de Vichy.

 

A suivre…

 

Découvrez l’embarquement tumultueux juste ICI. 

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