En canoë sur l’Allier – #2 Embarquement tumultueux

by Un Contributeur
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L'allier

Découvrez la suite des aventures de Gonzague et Erwan à la conquête de l’Allier, le fleuve le plus sauvage d’Europe. 

Le départ, enfin ! C’est pour nous un moment de grande joie, d’espoir et d’exhalation. Je crois que nous étions vraiment heureux. Il faut dire que nous avions pensé ce voyage depuis déjà pas mal de temps. Au départ ce n’était qu’une idée amusante, un rêve de voyage mais ce jour d’août était enfin arrivé. « Cette fois-ci, c’est la bonne ». Les grands voyages sont souvent le fruit de petits rêves. Je me souviens que mes parents et mon frère nous avaient accompagnés pour ce départ. Nous étions fiers. 

Tous ces moments de préparatifs nous donnaient tellement envie de partir pour de bon. Nous contemplions le canoë, cette embarcation sera notre amie pour longtemps. Nous nous étions procurés un gros sac étanche, pour les quelques frusques emportées avec nous et un petit, pour tout le matériel scientifique et sensible… non… pour les téléphones, le mp4 et une petite enceinte. J’avais trouvé un vieux mp4 que j’utilisais au lycée. Ce compagnon sonore ne fonctionnait plus tellement. Nous ne pouvions ni enlever, ni ajouter de musique. Nous nous contentions alors de ma playlist de lycéen : les années 80 et de la techno des années 2000 ; indémodable. C’était notre façon de nous souvenir de nos moments à l’école.

 

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En plus de ces deux sacs étanches, nous avons pris un vieux sac militaire qui prenait l’eau à la moindre éclaboussure. Nous avons stocké à l’intérieur les denrées non sensibles : boites de conserves, ficelles et autre objets qui ne craignaient pas la rivière. Cette musette, comme l’appellent les militaires, nous l’avons placée à l’avant du bateau. Je dis « placé » parce que, fort de notre inexpérience, nous n’avons pas jugé utile de l’attacher. Bien mal nous en a pris comme vous allez l’apprendre bientôt.

Dans la liste de notre matériel, certaines choses sont indispensables pour un tel périple : une corde. Elle va servir pour amarrer l’embarcation mais aussi pour le bivouac : pour accrocher la bâche s’il pleut. Nous l’avons utilisé comme rallonge pour installer les hamacs. On ne trouve pas forcément d’endroit avec des arbres offrant une configuration propice à la mise en place de notre campement. La grosse corde mais aussi de la ficelle (style drisse) peut remplir cette fonction. Nous avons pris avec nous des tendeurs. Ces grosses ficelles élastiques ont une utilisation quasi-universelle. Mais ils étaient surtout bien pratiques pour fixer les sacs sur notre batelet. Enfin, il ne faut pas oublier la hache, ou la machette. Ces outils sont indispensables pour couper du bois pour le feu, construire un abri et bien souvent pour déblayer le lieu du bivouac. 

 

Pour suivre le périple, découvrez la carte interactive => Ici

 

Et patatrac…. !!

Tout ce matériel se trouvait sur le canoë mais comme je le précisais plus haut, tout n’était pas bien ficelé. Comme dans Mort à crédit, Céline aurait dit de nous :  « Ah! Il était harnaché!…Il en avait lourd sur les os… Tout un attirail de trouffion, un paquetage complet… avec deux musettes! deux bidons! trois gamelles! » Bref.. tout cela était bien bancal. On a versé pas loin de la ligne départ. Hop ! une gamelle et une gourde (la seule que nous possédions) de perdues. Le sac coule à pic et se coince par chance dans les pieds de Gonzague qui le retient malgré le courant. L’Allier est assez vive à cet endroit (entre Jumeaux et Nonnette… à vos cartes !).

Sachez, ami lecteur, qu’une musette militaire ne flotte pas. Cette première brimade nous sert de leçon. Quelle idée de n’avoir attaché que les sacs étanches. Il est fréquent de se renverser dans les rapides. Notre canoë destiné à la balade en mer fait des siennes dans de telles situations. Ce petit événement est bien anodin pour le navigateur prévenu mais nous, pauvre marin d’eau douce, partions comme un soldat en 14, sans tout savoir de l’issue de notre périple. Nous n’avons plus jamais refait cette erreur. À partir de ce moment-là, l’harnachement du paquetage fut une espèce de rituel accompli à chaque levée d’ancre. Au bout de quelque temps, nous avions le coup de main, le geste précis et le mouvement rapide. 

 

L'allier

 

La casse

On retrouve nos deux amis quelques heures plus tard. Cela fait déjà un bon moment qu’ils pagaient et malgré quelques manœuvres qui ont engendré quelques chutes, ils apprennent vite. Il faut dire que l’époque, l’eau est encore froide et le courant est fort à certains passages ce qui suffit à faire passer l’envie à nos deux compagnons de faire trempette. Ne pas tomber est une chose mais il leur faut aussi apprendre à « lire » le cours d’eau, c’est-à-dire déceler là où se trouve le courant le plus fort, là où il y a de la profondeur ou, au contraire, là où peuvent se cacher des pièges. Cet apprentissage est long et ils vont l’apprendre à leur dépens.

Par la suite, ils sauront bien des mètres à l’avance sonder de leurs yeux les profondeurs de la rivière, anticiper les obstacles en estimant leur emplacement et leur profondeur en fonction du courant et des remous créés en aval. Ils sauront différencier un rocher ou une branche enfouie dans le sable d’une simple algue végétant entre deux eaux. A mesure ils sauront même différencier certains poissons par le sillage qu’ils laissent. La surface de l’eau se fait en quelque sorte le témoin de tout le milieu subaquatique qui n’aura bientôt plus de secret pour ces deux-là.

 

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 En route vers Vichy, la belle vie

Mais revenons à la navigation et rappelons que lors du dernier épisode nous avons quitté Erwan et Gonzague juste après leur départ de Jumeaux. Ils ont maintenant dépassé la ville d’Issoire et s’approchent à grands coups de pagaies du village de Coudes rendu populaire par les magnifiques méandres que forme l’Allier autour de la cité.

Mais voilà que depuis quelques kilomètres, ils se trouvent lourds. Erwan pense d’abord que c’est à Gonzague de passer à l’arrière pour équilibrer le poids du canoë, puis à l’avant. Rien n’y fait, pour cette fois Gonzague et son poids son quittes, qu’il soit à l’avant ou à l’arrière, l’embarcation perd de sa maniabilité. On pense alors que ce sont les affaires qui, à force de tomber à la flotte, s’imprègnent d’eau et pèsent de plus en plus lourd. Mais, après une énième manœuvre rendue délicate par le poids du bateau, il faut bien se rendre à l’évidence : c’est le canoë qui a un pépin.

Il faut dire que l’apprentissage fut rude pour lui aussi. Ses passagers ont fait leurs gammes sur les premiers rapides et il a plus d’une fois heurté violemment des rochers cachés. Le constat est sévère : on a perdu un morceau de plus de 10 cm à l’avant qui servait de protection pour la coque. Sans cet élément, c’est tout notre périple qui était remis en cause et dès notre premier jour. Nous n’avions plus le droit à l’erreur. En se décrochant, ce morceau nous avait fait perdre en aérodynamique et donc en vitesse mais il avait aussi fait céder la coque à deux endroits ce qui expliquait la voie d’eau et le poids du canoë.

 

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En s’arrêtant à Coudes nous avions vu juste puisque c’était une arrivée de randonnée nautique. Nous nous sommes donc enquis auprès des différentes bases nautiques de la manière de procéder pour réparer notre embarcation blessée. Il existe en effet une méthode consistant à faire fondre un plastique particulier avec un fer sur la plaie pour la refermer. Malheureusement, ils n’avaient pas ici de ce plastique en question, et, l’opération devant se faire au sec et nécessitant un temps de séchage, nous aurions dû attendre jusqu’au lendemain. Bon gré mal gré, nous sommes donc repartis en ayant au préalable partiellement colmaté les voies d’eau à l’aide de pansement. C’était plutôt efficace !

On a donc continué ainsi pendant un jour, faisant fréquemment des pauses afin de vider notre embarcation de son eau, avant d’enfin trouver un mastic qui nous a permis de définitivement colmater les brèches. Cette épreuve surmontée, nous pouvions reprendre notre rythme de croisière et déjà viser notre prochaine étape, Vichy !

 

Beaux pays et paysages

Nous avons versé pour la première fois près du petit village de Nonnette. C’est le nom du lieu et du petit pic sur lequel se trouve ce bourg. En effet, Nonnette est située sur une formation volcanique qui donne l’aspect d’un promontoire assez fin et assez haut poussant au beau milieu d’une plaine où d’un côté la pente est très rude et de l’autre très douce. Ce phénomène est dû à la coulée de lave qui ne s’étend que d’un côté de la cheminé pour former un petit plateau de faible inclinaison.

La présence des coulées volcaniques est encore plus visible à quelques kilomètres de là : sur la colline d’Usson. Il s’agit de la même configuration géologique que Nonnette, cependant l’on peut y voir des orgues basaltiques. Ayant l’aspect de prisme verticaux, les orgues basaltiques se forment quand la lave se refroidit

 

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Au moment où nous admirons ces petites cheminées volcanique, se tenaient devant nous de belles Salers. La rivière abreuvait ces vaches auvergnates de son eau fraîche. Elles arboraient fièrement leur jolie robe rouge bordeaux. Cette vache laitière très rustique est originaire du Cantal. Un fromage AOP éponyme est produit dans la région (l’appellation s’étend du Cantal au Puy-de-dôme) : le Salers. 

 

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Une salers en premier plan et Nonnette en arrière plan

 

Les paysages d’Auvergne que nous avons découvert et redécouvert nous ont émerveillés tout au long de notre descente. J’espère que la lecture de ce papier donnera envie aux curieux d’aller rendre visite à la terre Arvernes. Ces montages et ses plaines (petite et grande Limagne) seront bientôt derrière nous. Notre chemin, nous menant vers Vichy, commence à nous montrer des berges de plus en plus larges, sablonneuses et une rivière plus calme. Nous doublons massifs, volcans et puys, traversant la Limagne pour rejoindre Vichy au porte du Bourbonnais. 

A suivre…

 

Découvrez les préparatifs de l’aventure juste ICI

 

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