Chers lecteurs, nous sommes le 15 janvier 2020 et l’eau a coulé sous les ponts depuis mes aventures à Bunaken, île sauvage au sud-est de l’Indonésie sur laquelle j’ai passé une semaine de vacances.
#luxurylifestyle
Je pourrai vous parler de mon escapade à Bali du 28 au 30 décembre 2019. Cette fameuse île – et oui Bali n’est pas une ville mais bien un gros caillou dans l’océan – se trouve à 2 heures d’avion de Jakarta, mon lieu de vie. Encore plus fort, Bali n’est pas non plus un pays… Roulement de tambour : Bali est une île Indonésienne.
Comme vous le savez certainement, c’est un lieu de vacances idyllique quand on aime les plages, le soleil, le yoga, le surf, les cocktails bien remplis, les eaux turquoises et le hashtag #luxurylifestyle sur Instagram. Bali, paradis pour les ethnologues passionnés d’un spécimen qui n’est pourtant pas en voie de disparition : le touriste beauf australien.
Vous allez me dire : « Attention aux clichés, aux raccourcis, aux jugements hâtifs, Romain, tu généralises ! ». Eh bien oui, et ce n’est que le début de cet article qui souhaite faire, malgré la maladresse de son auteur, la satire des touristes qui partent à l’autre bout du monde pour rencontrer les mêmes personnes, faire les mêmes boutiques, boire les mêmes bières et se baigner dans les mêmes piscines.
Le tire bouchon balinais
Bali est pour les touristes asiatiques ce qu’est Ibiza pour les touristes européens. Un lieu pour faire la fête, bronzer sur la plage la journée et se bourrer la gueule le soir. « Oui mais à Bali, il y a des temples, l’hindouisme, et une culture ancestrale », répondra avec justesse Bernard, directeur financier d’un cabinet d’experts-comptables situé à Chartres. Bernard a organisé ce voyage pour ses 20 ans de mariage avec sa femme Catherine. C’est finalement accompagné de leurs 2 enfants qu’ils ont pris l’avion un après-midi pluvieux à l’aéroport Charles de Gaulle, terminal E.
Pendant ces vacances, Martin, le plus jeune de la fratrie, a pu prendre en photo des macaques dans la forêt des singes. C’est un espace semi-clos où les hommes et les bêtes s’observent avec le même air de « qui regarde qui ? ». Thomas, l’aîné, a pu voir la poitrine de Victoria, adolescente australienne passionnée de surf, consommatrice de Smirnov, compte certifié sur Instagram et abordant un t-shirt « Je me soucie de la justice climatique et de la planète vivante. » À l’effigie de Greta Thunberg. Catherine a pu découvrir les danses balinaises, par lesquelles la féminité s’exprime au travers de mouvements régis par des règles très strictes, les mouvements des yeux, des mains, des doigts… dans le Palais Royal d’Ubud, classé lieu d’exception sur TripAdvisor. « D’une pierre deux coups » s’exclamera-t-elle, fière. Victoria est comptable. Elle n’a pas l’expertise fiscale de son mari mais comme lui, elle est passionnée de voyages. Robert, quant à lui, a suivi son petit monde, portefeuille à la main, prêt à saisir sa MasterCard Gold comme un cow-boy son revolver. Fait notable, il a trouvé un souvenir à ramener pour son ami Étienne. C’est un tire-bouchon en bois véritable, abordant la forme accueillante et distinguée d’un phallus. Robert et Étienne sont devenus amis pendant leurs études en école de commerce, ils faisaient parti de la même liste BDE. Bien qu’ils n’aient pas remporté la campagne, cette aventure a forgé entre eux une belle amitié. Cette défaite, à l’époque si difficile à diriger pour ces enfants prodigues, n’est plus qu’un mauvais souvenir pour Robert, aujourd’hui en vacances à Bali, là où l’on trouve les plus belles plages du monde, alors qu’il tient fermement à la main sa verge de bois Balinais.
“Il n’y a qu’une réponse à la défaite, et c’est la victoire.”
Des Robert, Catherine, Thomas et Martin, il y en a partout dans les rues d‘Ubud, quartier touristique et familial de Bali. Avec ma dégaine de vagabond, ma peau aucunement bronzée, mon t-shirt Décathlon trop petit, mon pantalon décoloré et ma barbe mal taillée, je n’imagine pas ce que Robert pense de moi. Peut-être que je suis tout simplement invisible, comme les Indonésiens qui nettoient les rues, surveillent les singes, servent les bières, nettoient les piscines ou conduisent les taxis. C’est agréable d’être invisible une semaine, mais toute une vie, dans son pays ?
Les titulaires
À Bali, je n’y suis pas allé seul. J’ai retrouvé 3 autres volontaires qui travaillent aux Philippines, dans la même ONG que moi nommé LP4Y. Nous accompagnons des jeunes des bidonvilles à gérer une activité économique (pour ma part, une entreprise qui produit de l’eau potable) ainsi qu’à décrocher un travail décent, pour sortir de l’exclusion.
Sixtine et Théo forment un couple. Ils sont à peine plus âgés que moi (j’ai 23 ans). C’est leur première expérience de volontariat ainsi que de vie commune. Dynamiques, souriants, agréables à vivre, avides d’aventures et de découvertes, Théo préfèrera prendre un scooter plutôt qu’un taxi pour rentrer au gîte tard la nuit à travers la jungle. Sixtine est toujours partante pour une visite, une expédition, une balade même quand celle-ci pourrait paraître, en premier lieu, une erreur. C’est par exemple grâce à elle que nous nous sommes retrouvés en scooter sur un chemin de randonnée pédestre, direction une rizière, sous la pluie, et sans payer.
Iris est célibataire, enfin il me semble. À Bali elle s’adonne à de simples plaisirs et sur ce point je la rejoins complètement. Il faut parfois ménager son corps et son esprit. « Qui veut voyager loin ménage sa monture », disait Jean Racine, un des grands cavaliers, si ce n’est le plus grand, du 17ème siècle. Manucures, boutiques, massages, Iris est arrivée avant nous à Bali et a pris le temps de souffler un peu. C’est certainement que du haut de ses 26 ans, elle est notre aînée et incarne, à sa manière, la sagesse des années. Notre quotidien de volontaire ne laisse pas beaucoup de temps au soin du corps et de l’âme. Iris fait des manucures, j’écris des bêtises, chacun son truc. Toujours est-il qu’elle nous a suivi dans nos péripéties avec l’énergie d’un astronome qui découvre une nouvelle planète.
La fièvre du samedi soir
À Bali, j’ai été un peu malade. Iris vous dirait que je suis hypocondriaque. C’est quelqu’un de pragmatique. Moi, je fais confiance à mes sentiments. Et croyez-moi, mon corps m’envoyait des messages d’alertes. « Romain, la machine thermique s’échauffe, la température monte de façon incontrôlable, plan d’évacuation activé ». Foutaise, Romain Garry a passé 2 semaines avec la fièvre typhoïde en Afrique pour revenir d’entre les morts, je peux bien survivre deux jours à Bali.
Le matin, ça allait, mais plus la journée avançait, plus les vertiges rendaient inconfortables la conduite de ma mobylette et Iris, derrière moi, montrait parfois des signes d’impatience. Le soir, un hiver glacial s’abattait sur mon métabolisme. Bien que pour des raisons matérielles évidentes – Les Airbnb pour 4 personnes disposent de deux lits doubles -, je dormais parfois avec Iris, j’avais l’impression de passer mes nuits en Hiver dans une cabane sibérienne avec Sylvain Tesson. Pull sur les épaules, enroulé dans mes draps, ventilateur coupé, je faisais mes adieux tous les soirs à Iris au cas où la nuit se prologuerait à jamais. Je lui transmettais mes vœux pour ma famille, mes amis… c’est quand tout part en vrille qu’on se rend compte à quel point nos proches nous manquent. Philosophie de comptoir ? Peut-être, mais osez me dire que je me trompe. Vous verrez, avec le paludisme, l’encéphalite japonaise, la dengue, la grippe espagnole, vos pensées divaguent vers ce que votre esprit juge essentiel.
La rage du vivre
Pour ma défense, et il me semble avoir oublié de vous le dire, j’avais été griffé par un macaque 6 heures avant le début de la maladie. Je vous raconte : Sixtine se promenait dans la forêt des singes quand un spécimen, plus entreprenant que la moyenne, comme on en trouve dans toute société développée, se jeta sur le sac de Sixtine. J’entrepris donc de le déloger de son perchoir ce qui me valut un coup de griffe. C’est en constatant l’homicide que je pris conscience qu’il ne me restait que 24 heures à vivre. La rage, maladie impatiente transmise par les morsures de singes, est mortelle et je me suis donc dirigé vers le poste de soin le plus proche. La spécialiste m’a expliqué qu’il n’y avait aucun risque car les singes de la forêt étaient régulièrement contrôlés. Il fallait juste désinfecter la blessure. Sauvé, je repris rapidement goût à la vie, en regardant les arbres centenaires de cette forêt luxuriante, du haut desquels résonnaient les cris des oisillons qui attendent le retour de leur mère, le bec grand ouvert prêt à accueillir la nourriture, mais ce n’est pas le sujet.
3 conseils pour un séjour de rêve à Bali
Trêve de blablas, en me relisant, j’ai bien peur que vous ne gardiez un avis négatif sur Bali, ce qui serait une erreur. Bien que sur cette île paradisiaque, il soit possible de cocher 7 péchés capitaux en une soirée, on trouve aussi autre chose à faire. La preuve ? J’y est passé un très bon moment sans commettre l’adultère. Mon conseil : fuyez les lieux touristiques, louez un scooter et partez découvrir les terres. Sur les routes, vous découvrirez la beauté des vallées creusées par les rizières, les temples colorés devant les maisons, la jungle, les volcans, le soleil, la pluie… Arrêtez-vous pour déguster des pancakes à la banane et un café Kopi luwak sur le bord de la route. Visitez un temple perdu dans la jungle, observez discrètement une célébration hindouiste, répondez aux Indonésiens qui vous interpellent avec un grand sourire dans les rues, puis dirigez-vous vers les plages. Pas les plages privées pour vacanciers en quête d’une cuite facile, mais les plages que vous découvrirez en vous éloignant des panneaux publicitaires et en longeant la côte. Aventurez-vous dans les petites ruelles, jusqu’au sable brun, chaud sous vos pieds, et admirez les surfeurs glisser sur les vagues. Découvrez Bali, pas le Bali qu’on trouve sur le papier glacé des magazines de compagnies aériennes low cost, mais le Bali des Indonésiens, la Terre des Dieux, son histoire et sa culture qui couvrent une période s’étendant du Paléolithique à nos jours.
Un 31 décembre bien arrosé
Je pourrai donc vous parler de cette escapade à Bali, mais je ne sais pas trop quoi vous dire d’intéressant. Romain, écris-leur plutôt ton volontariat en Indonésie, la vie des jeunes dans les bidonvilles, les défis de tous les jours, ta mission avec LP4Y, les inondations à Jakarta…
Allons-y. Le soir du 31 décembre, la nouvelle année donc, après avoir perdu ma carte bancaire, être tombé malade et avoir raté mon avion au départ de Bali (j’ai pu en trouver un autre pour rentrer à la date prévue), des inondations, comme il n’y en avait pas eu depuis deux décennies, ont frappé Jakarta, et plus particulièrement le bidonville dans lequel je vis à Cilincing.
À suivre …
4 comments
J’ai un très bon souvenir de Bali hors des zones côtières trop touristiques. Je préfère l’immersion dans la vie locale.
Mon carnet de voyage:
https://lecoudignac.wordpress.com/
Bonjour Alain ! Oui les zones côtières sont à FUIR !
Hâte de lire la suite
Elle arrivera un jour ou l’autre 🚀